La Croix Huguenote  

Telle que nous la connaissons, la Croix huguenote complétée par le ‘Saint-Esprit’ en pendentif semble avoir été imaginée par l’orfèvre nimois Maystre demeurant 4 rue du Marché vers 1688 (trois ans après la Révocation de l´Edit de Nantes).

L’abbé Valette, curé de Bernis, fait état de l’engouement qui se manifesta pour cette parure pendant et après l’apparition des prophètes’ cévenols. On rendait ainsi hommage au Saint-Esprit et au sacerdoce universel en portant un insigne irréprochable pour les persécuteurs, puisqu’il dérivait d’une très officielle et très catholique décoration.

Des femmes protestantes ont choisi la croix huguenote comme bijou, de préférence à la croix latine qui avait un caractère catholique accusé et dont Théodore de Bèze avait récusé la figure matérielle.

Cependant, le pendentif des Croix huguenotes, même très anciennes, ne se présente pas toujours comme une colombe, mais comme une espèce de boule allongée qui fut appelée en langue d’oc le ‘trissou’, c’est à dire le petit pilon destiné à écraser une substance ou un aliment dans un mortier.

L’imagination populaire et la recherche érudite ont pourvu le ‘trissou’ de diverses explications : larme de l’Eglise affligée ou langue de feu semblable à celles qui à la Pentecôte se posèrent sur la tête des disciples.

Il s’agirait, selon Pierre Bourguet, d’une ampoule ou petite fiole semblable à la Sainte Ampoule destinée au sacre des rois de France : celle que Saint-Rémy aurait reçu du ciel, protée par une colombe pour le baptême de Clovis. La colombe du Saint-Esprit figurait sur une ampoule vénérée. Ainsi ne serait-il pas surprenant que la représentation de la colombe alterne avec celle du réceptacle sacré, sous les Croix huguenotes empruntées par les protestants au symbolisme de la royauté persécutrice. Hommage héroique de fidélité au roi ou signe de reconnaissance habilement camouflé, peut-être les doux à la fois, la Croix huguenote dut en partie son succès à son ambiguité.

La Croix

Symbole chrétien, la croix a été représentée sous des formes très différentes dans l’art et l’héraldique du Moyen Age.

La croix huguenote dérive de la croix de Malte avec des échancrures triangulaires à l’extrémité de chaque branche, alors que la croix du Languedoc est une croix de Malte dont les branches sont allongées par des triangles qui forment des pointes de flèches.

On dit en Héraldique qu’elle est ‘boutonnée’ cause des boules qui terminent les pointes. Elle présente une grande analogie avec la croix de ‘L’Ordre du Saint-Esprit’, instituée par Henri III en 1578 : ‘croix suspendue d’or à huit pointes émaillée blanc et vert, cantonnée de fleurs de lis, portant à l’avers la colombe rayonnante ‘.

Plusieurs autres Décorations françaises sont conçues d’après ce type de crois : l’Ordre de Saint-Michel fondé par Louis XI en 1469 pour commémorer la résistance du Mont Saint-Michel aux attaques anglaises : L’Ordre royal et militaire de Saint-Louis créé par Louis XIV en 1693 qui était accessible aux bourgeois comme aux nobles mais dont les non catholiques étaient exclus ; le Mérite militaire créé par Louis XV en 1759 qui était destiné à récompenser des officiers protestants servant dans les régiments étrangers ; la croix de la Légion d’Honneur instituée par Napoléon 1er en 1805.

Dans la Croix huguenote, les quatre motifs qui relient les branches entre elles sont des fleurs de lis stylisées qui rappellent celles qui figurent à la même place dans les Ordres royaux de Saint-Michel, dus Saint-Esprit, de Saint-Louis et dans le mérite militaire. Pour Pierre Bourguet, il s’agirait de cœurs stylisés.

La Colombe

La colombe est un symbole biblique, dont les réformateurs, ont admis la reproduction en ‘image taillée’. C´ est la colombe qui avertit Noé que le niveau des eaux du déluge a baissé : ‘la colombe revint à lui sur le soir ; et voici, une feuille d’olivier arrachée était dans son bec Genèse 8/11). Les quatre Evangélistes attestent que Christ, au moment de son baptême, ‘vit l’esprit de Dieu descendre comme une colombe’ (Mattieu 3/16) ; Luc 3/22 ; Jean 1 ;32).

Dans l’histoire légendaire de la France, c’est encore la colombe du Saint-Esprit qui apporta à Clovis l’huile de l’onction royale. Conservée à Reims dans une ampoule d’or portant l’image d’une colombe, c’est la même huile qui était censée oindre tous les Rois de France. Elle est gardée le jour du sacre par les Chevaliers de la Sainte Ampoule dont l’insigne était la colombe sur une croix de Malte et au-dessous, une ‘main d’incarnation’recevant la Sainte ampoule.

En joaillerie, la colombe du Saint-Esprit est presque toujours représentée la tête en bas et les ailes déployées, volant du ciel vers la terre. Elle est dite ‘rayonnante’. C´ est ainsi qu’elle apparaît au milieu de la Croix de l’Ordre du Saint-Esprit et, en pendentif, au-dessous de beaucoup de Croix huguenotes.

La colombe a souvent été employée, seule, comme bijou. Elle était représentée tantôt avec beaucoup de détails réalistes (becs, plumes, ailes), tantôt en filigrane. Elle était parfois rehaussée d’une ou de plusieurs pierres précieuses : brillant, grenat, rubis ou émeraude. Elle peut prendre l’aspect d’une petite croix.